Les quatorze derniers mois ont été une épreuve sans précédente pour la population haïtienne.Ils étaient marqués par des événements terriblement destructives tant sur le plan physique et psychique que sur le plan matériel. Les dégâts sont considérables. Les dommages causés au cours de cette période sont énormes. Je pense que nous aurions besoin au moins d'une décennie pour les réparer.
Le pire, nombreux d'entre eux ne pourront jamais
réparer. Celles-ci seront cicatrisées dans la mémoire des rescapés de ces
événements. On peut même se demander est-ce que Le Haïtien est tout à fait
normal ?
Suivant la conception freudienne la notion de
normalité se résume en deux mots: aimer et travailler. De toute évidence, je
pense que cela est possible mais avec de grandes difficultés. Tenant compte
que nous sortions dans de moments extrêmement
difficiles.
Chaque jour constituait un enfer en soi. Les nuits
n'étaient pas si bonnes au point qu'on pourrait parler de journées noires et de
nuits blanches. C'était comme si nous étions dans une situation apocalyptique. Les
jours traumatisants se succédaient. Ils ne ressemblent pas dans la forme mais
dans le fond, c'était les mêmes.
À peine une pénurie d'essence à la pompe, le prix
des produits alimentaires était déjà revue à la hausse suivie du mot d'ordre : pays lock.
Ce fameux phénomène de pays lock a ruiné de manière systématique les familles haïtiennes.
On ne pouvait pas sortir sauf pendant
les heures de ravitaillements. On n'était pas libre d'exprimer ses propres
pensées. C'était une période où la pensée unique régnait. C'était l'intolérance
à tout bout de champs. Les interactions humaines diminuaient considérablement.
La liberté de circuler n'existait presque plus. C'était très chaotique.
On constatait à l'impuissance de l'état devant cet état de fait. Des dirigeants
moribonds, même eux, étaient dépourvus de certains droits fondamentaux. Ils ne
pouvaient prendre aucune décision. L’administration d'alors perdait la confiance
de la population. Tout le pays était sous le contrôle de l'opposition. A peine
un petit répit de fin d'années, le kidnapping fait son réapparition pour la
plus belle. Tout le monde est sous tension. Ils ont des préoccupations auxquels
l'état ne peut pas apporter de solutions. Malgré tous ces soucis, la population
cherche à s'adapter.
Tout d'un coup, c'est l'annonce du corona virus. Ce qui provoque le
chambardement de toute prévision économique, l'ensemble des préparatifs familiaux.
C'est la panique totale chez tous mes concitoyens. Pour une énième fois, ils se
trouvent dans l'obligation de ne pas sortir ; de faire les activités aux
ralentis. C'est la distanciation physique. C'est un moment très pénible qui
file à l'horizon sans borne. Une crise humanitaire qui répand sur toute
l'étendue du territoire. Débridement et déboulonnage de l'espoir. Un spectacle
de mauvais goût. En regardant ce décor, les citoyens jettent l'éponge; sur leur
visage marque le désespoir. Les calamités viennent de partout. L'inquiétude devient
une évidence. Les gens sont déprimés et angoissés. Dans les relations sociales,
ils sont méfiants. Ils ne cessent pas de livrer
des idées délirantes.
Je pense que de nos jours Le Haïtien a perdu le
goût du bien-être ; il a perdu l'essence même de son existence. Une existence comblée de
tristesse, de détresse et de stress.
Le stress met notre système de défense en défaillance puisque nous utilisons
une grande quantité d'énergies pour y dissiper. L'effet de ces événements de
vie stressants que nous venions d'expérimenter ou encore que nous expérimentons,
n'est pas négligeable. Cela a des impacts allant directement sur notre santé.
Ces agents, provocateurs de stresse chroniques fragilisent Le Haïtien. S'il
veut partir c'est quasi impossible. Il n'y a pas d'autres refuges. D'ailleurs
dans cette conjoncture, où trouvons-nous de refuge?
Sur le plan économique, il est décapitalisé; sur le plan émotionnel il est
instable. Son intégrité physique et psychique est affectée. Son corps est comme
une terre fertile qui est prêt à recevoir des plantules. Son cas mérite une
prise en charge psychologique. Sinon, il est exposé à l'ensemble de maladies
chroniques telles que le cancer, accident cardiovasculaire, hypertension
artérielle, diabète etc.
Je ne veux pas me comporter comme un oiseau de
mauvais augure cependant, dans les jours qui viennent nous aurons beaucoup de
gens qui atteindront de la folie si on ne prend pas cet état de fait en
considération. Agissons vite afin que plus tard ne soit pas plus triste.
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